Tuesday, November 26, 2013

    Du droit au devoir


    Du droit au devoir
    N. Lygeros

    Il est certes important de travailler pour la reconnaissance du génocide des Arméniens, mais il faut réaliser que ce but n'est pas une fin en soi. La reconnaissance n'est que la première étape du processus de réparation. Aussi sans le passage à la pénalisation nous n'obtenons qu'un résultat théorique qui n'a aucun impact sur le plan pratique. Ceci signifie donc que nous ne luttons aucunement contre la propagande turque qui ne cesse de travailler dans le sens du génocide de la mémoire. En effet celle-ci non seulement conteste l'existence même du génocide des Arméniens, mais accuse ces derniers d'avoir commis un tel crime. Tant que nous n'adopterons qu'une position neutre et passive sur le sujet de la pénalisation, nous ne participerons pas réellement à ce conflit de la mémoire. Notre positionnement ne doit pas être extrême, il doit simplement suivre la logique de la justice ; aussi cette dernière doit exister dans le cadre prévu par la Charte des Nations Unies de 1948. Et le seul moyen d'aller au-delà mais dans le même sens, c'est la pénalisation de la négation. C'est le chemin qui a été suivi par la Belgique et la Suisse, qui ne peuvent être accusées d'institutions extrémistes dans le domaine des droits de l'Homme. Il s'agit donc d'une réalité historique et effective qui n'a rien d'utopique. C'est un droit qui se transforme en devoir dans le sens où il ne concerne pas uniquement notre présent mais aussi le passé d'un peuple qui a subi un crime contre l'Humanité. Ainsi il ne faut pas voir cette pénalisation comme la mise en place d'une situation conflictuelle. Ce n'est pas non plus une prise de position partisane. Après tout, il suffit à l'état génocideur d'accepter son passé pour neutraliser l'effectivité de la pénalisation. Cette dernière représente un devoir que nous avons en tant que Justes de venir en aide aux victimes et aux survivants. Car nous ne pouvons les laisser se faire insulter en prétextant une prétendue neutralité de notre part. Dans le cadre d'un génocide, être neutre, c'est être coupable de collaboration, peu importe que celle-ci soit passive ou active. L'essentiel c'est d'être digne sur le plan humain et cela n'est pas possible sans la condamnation des bourreaux qui continuent après tant de décennies, à insulter les victimes. La liberté n'a de sens que lorsqu'elle ne bafoue pas celle de l'autre. La liberté de parler n'a de sens que lorsqu'elle ne constitue pas une insulte. La pénalisation n'a de sens, quant à elle, que lorsqu'une victime est insultée et ses droits sont bafoués. La pénalisation est donc la liberté du juste, rien de moins, rien de plus. C'est en ce sens qu'elle nous est nécessaire.